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Pour les peuples berbères, elle reste le symbole même de la résistance. Libre, belle et guerrière, la Kahina refusait l’autorité des Arabes et les lois de l’Islam. Elle mena le combat… jusqu’à la mort. Dans ces coins du pays chaoui, personne ne l’a oubliée.
Par Roger Calmé
En langue amazigh, les populations berbères l’appellent encore « Yemma », la maman. Depuis plus de 1300 ans, la reine paraît régner sur ces montagnes des Aurès. A quelques 550 km au sud-ouest d’Alger, le canyon de Tajmint pourrait en être la citadelle capitale. Jusqu’au bout de l’horizon, le regard porte. Et c’est ici que Dihya, son nom berbère, a tenu l’un de ses derniers refuges. Un grenier forteresse à partir duquel elle pouvait surveiller l’avancée des troupes omeyyades. Depuis 686 et la mort de Koceila face à l’ennemi arabe, elle a repris le flambeau et tient tête à l’envahisseur. Une grande partie des tribus berbères la soutiennent. Et peu importe qu’elle soit femme, de confession juive, qu’elle manie l’arc et l’épée à l’égal des hommes ou qu’elle converse avec les esprits : Kahina est reine et ces montagnes sont les siennes.
« Tue-la, et les Berbères se rendront ! »
Comme l’analyse l’historienne Zineb Ali-Benali, « c’est en tant que chef militaire qu’elle finit d’unifier le Maghreb. Un parcours exceptionnel ! » Le fait qu’elle ait donné la vie à trois fils, héritiers légitimes de la tribu Djerawa, n’y changera rien. C’est elle qui gouverne, elle seule qui décide du destin berbère. Un cas unique et une menace non moins singulière. Le chef musulman Hassan Ibn Nouâmane se verra dire un jour : « Les habitants redoutent Kahina et lui obéissent. Tue-la, et les Berbères se rendront. »
Pendant 17 ans, la guerrière tiendra tête aux puissantes armées omeyyades. Mais ses succès lui vaudront aussi de puissantes inimitiés. Terres et villages brûlés, récoltes anéanties fragiliseront l’unité berbère. Au moment d’affronter Hassan Ibn Nouâmane, elle ne dispose plus que d’une poignée de combattants. Et la trahison de son fils adoptif Yazid lui porte un coup fatal. Selon le récit d’Ibn Khaldoun, daté du 14ème siècle, « il fallait une intervention divine pour venir à bout de la Kahina. » Morte l’épée à la main, son corps fut ensuite décapité, et la tête envoyée au calife Abd al-Malik. D’autres soutiennent qu’elle absorba du poison, plutôt que de succomber sous l’épée ennemie. Toujours est-il que la « sorcière » devient dès lors un symbole.
Et il le reste toujours. Les mouvements berbères la considèrent comme une icône de la culture amazigh. Lors d’un reportage en 2013, sur ce canyon de Tajmint, le journaliste Farid Alilat évoquait les contrôles à répétition, armée et police, le dépôt des papiers d’identité et l’accès réduit au site. Comme si son souvenir laissait encore planer une menace. Un lieu touristique d’ailleurs laissé à l’abandon. Mais dans son article, Farid relevait aussi la charge affective toujours vivace. Partout dans les Aurès, en Kabylie ou chez les Berbères libyens, elle incarne le courage, la beauté et la liberté. Et de conclure : « Son nom est encore porté avec fierté par les filles berbères. » Un royaume et une lumière.
« Il fallait une intervention divine pour venir à bout de la Kahina. »
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