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« Il faut prendre le pouvoir sur son récit, refuser l’invisibilisation et construire des trajectoires d’influence. »
Après la parution en 2021 de son récit autobiographique « Je ne suis pas ta mère », dans le documentaire « Le Temps des surettes est fini » – à voir en replay sur France Télévisions – elle témoigne des violences sexuelles subies par les femmes noires. Et poursuit inlassablement son combat pour rendre imprescriptibles les viols commis sur des mineurs.
Par Zara Derza
Que vous a apporté la publication en 2021 de « Je ne suis pas ta mère » ?
Une forme de délivrance. J’avais porté un poids énorme pendant trop longtemps, et écrire « Je ne suis pas ta mère » m’a permis de m’en libérer. J’aime comparer cela au mythe de Sisyphe, ce personnage condamné à pousser inlassablement un rocher sans jamais pouvoir s’en débarrasser. Avec ce livre, j’ai eu l’impression de briser ce cycle, comme si j’avais enfin déposé ce fardeau. Au-delà de cette libération personnelle, « Je ne suis pas ta mère » m’a aussi révélée. Je ne peux pas effacer la souffrance ni les blessures inscrites dans ma chair, mais je peux les transformer en quelque chose d’utile. Je peux prévenir, sensibiliser, donner une voix à celles et ceux qui n’ont pas encore la force de parler. Et puis, parler ne me coûte rien. La parole est gratuite, mais son impact peut être immense.
Vous sentez-vous plus apaisée depuis la parution du livre ?
Apaisée, non, malheureusement. Quand un traumatisme est aussi profondément ancré, il ne disparaît jamais vraiment. C’est comme un handicap invisible, une cicatrice intérieure qui ne s’efface pas. Mais si je ne peux pas parler d’apaisement, je peux dire que je me suis libérée de la honte. Et puis, il y a une chose que je sais : mes agresseurs savent. Ils ne sont plus tranquilles. Leur famille aussi. Et ça, c’est comme un petit pansement sur ma douleur. Ce n’est pas la guérison, mais c’est une forme de protection, une manière de reprendre un peu de pouvoir sur mon histoire.
Depuis, vous militez pour rendre imprescriptibles les viols commis sur des mineurs, avez-vous le sentiment que vous parviendrez à vos fins ?
J’en ai la conviction. L’histoire a montré que les combats qui semblaient impossibles finissent toujours par aboutir, à force de détermination et de persévérance. Il a fallu du temps pour que les violences faites aux enfants soient prises au sérieux. Aujourd’hui, la parole se libère, la société évolue, et la question de l’imprescriptibilité s’impose de plus en plus dans le débat public. Ce que je veux, c’est que plus aucun survivant n’ait à subir l’injustice du temps qui efface le crime aux yeux de la loi. Un viol ne disparaît pas avec les années, son impact non plus. Alors, pourquoi la justice devrait-elle tourner la page ?
Que pensez-vous des politiques publiques en matière de protection de l’enfance ?
Il y a des avancées, mais elles restent insuffisantes. Trop d’enfants continuent d’être victimes de violences dans l’indifférence, trop de prédateurs restent impunis, et trop de survivants doivent encore se battre pour faire reconnaître ce qu’ils ont subi. On parle de protection de l’enfance, mais dans les faits, la prévention est faible, la prise en charge est souvent inadaptée, et la justice tarde encore à sanctionner les coupables avec la sévérité qu’ils méritent. La prescription en est le parfait exemple : comment peut-on accepter qu’un crime aussi destructeur que le viol sur mineur puisse être effacé par le temps… Même trente ans après la majorité des victimes, comme le prévoit la loi en France. Tant que les victimes devront prouver l’impossible, tant que la parole des enfants sera minimisée, tant que l’impunité primera sur la réparation, on ne pourra pas dire que les politiques publiques sont à la hauteur. Protéger l’enfance, ce n’est pas seulement une déclaration d’intention, c’est une responsabilité qui exige des actes forts, des moyens concrets et un vrai changement de mentalité. Et ça aussi, ça commence par l’écoute des victimes, et nécessite de leur laisser la place et le temps de s’exprimer.
Pourquoi avoir choisi de témoigner dans le documentaire « Le temps des surettes est fini », de Barbara Olivier-Zandronis ?
J’ai décidé de parler parce que j’en avais la possibilité. Je suis une figure publique, reconnue dans mon domaine d’expertise, avec une assise qui me permet de prendre la parole sans que l’on puisse me réduire au silence ou me décrédibiliser facilement. Témoigner dans ce documentaire, c’était une manière d’utiliser ma position pour faire entendre ce que d’autres n’osent ou ne peuvent pas encore dire. « Le temps des surettes est fini » met en lumière une réalité qui dérange : celle des violences sexuelles subies par les femmes noires, un sujet encore trop souvent ignoré dans nos communautés. Je veux que ce combat soit porté par des voix qui comptent, par des femmes qui ne peuvent plus être effacées. Il est temps que la société regarde cette réalité en face et cesse d’invisibiliser nos histoires.
En mars, vous participez à plusieurs événements d’envergure, dont le Sommet de la Femme à Brazzaville et le BILYF (Business & Innovation Leadership Youth Forum) en Afrique de l’Est. Quels messages allez-vous y porter ?
Ces événements sont l’occasion d’affirmer des convictions fortes. Au Sommet de la Femme à Brazzaville, je mettrai en avant l’importance de l’indépendance économique des femmes et du leadership au féminin. Avoir du pouvoir sur sa trajectoire, c’est se donner les moyens de ne plus subir, de s’affranchir des diktats et de créer un impact durable dans la société. L’Afrique regorge de femmes talentueuses, ambitieuses et résilientes. Je crois intimement que sans elles, le monde ne tournerait pas. Au BILYF, je porterai un message d’audace et de détermination à la jeunesse africaine. L’Afrique est un continent d’opportunités, et c’est aux jeunes de prendre leur place, d’oser innover et de s’affirmer sur la scène internationale. Pour cela, il faut acquérir des stratégies solides, comprendre l’importance du personal branding et bâtir des ponts entre l’Afrique et le reste du monde. Dans les deux cas, mon message est clair : il faut prendre le pouvoir sur son récit, refuser l’invisibilisation et construire des trajectoires d’influence.
À quand la parution d’un autre livre ?
Je ne me mets pas de pression. J’écris lorsque la tristesse et la colère me submergent… et en ce moment, elles sont bien présentes [Rires.] ! Mais je dois aussi gérer mon agence, et 2025 est une année charnière. J’ai besoin d’être pleinement concentrée. Mon objectif est de faire publier mon prochain livre l’année prochaine.
Comment choisissez-vous les projets et les personnes que vous accompagnez dans votre agence, CPASDELACOM ?
On nous choisit [Rires.] ! Plus sérieusement, il y a une réciprocité dans la sélection. Nous travaillons avec des talents, des marques et des institutions qui partagent notre vision et notre exigence en matière d’image, de storytelling et d’impact. Aujourd’hui, je peux me permettre de choisir… bientôt dix ans que l’agence existe, c’est une force !
Quels sont vos projets en 2025 ?
2025 est une année décisive. Je travaille sur plusieurs fronts : renforcer la présence de CPASDELACOM en Afrique, notamment au Congo, en Côte d’Ivoire et au Bénin, pour en faire l’agence de référence sur le continent africain. En parallèle, je monte une association pour structurer et amplifier mes actions, afin de briser le silence dans des endroits où il n’est même pas question d’y penser. Je veux porter cette parole partout dans le monde. Enfin, j’écris mon deuxième livre, un roman cette fois-ci, qui me permet d’explorer encore différemment les thèmes qui me sont chers
Le 8 mars, nous fêtions les femmes, quelles sont celles qui ont marqué votre parcours ?
Les femmes de ma vie ! Mes grand-mères, ma mère, ma tante, mes sœurs et mes filles. Elles sont toutes une composante de mon être. Pas besoin d’aller chercher loin pour rêver grand, elles m’ont tout appris : la force, la résilience, l’amour et l’audace.
« Le Temps des surettes est fini », documentaire de Barbara Olivier-Zandronis, à voir sur France Télévisions.
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