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Suivant les traces de Kada Hadja Saran Daraba en 2010, Makalé Traoré sera parmi les candidats à la présidentielle en Guinée, prévue le 18 octobre 2020. Titulaire d’un doctorat en Droit international économique de l’Université de Montpellier, cette cheffe d’entreprise autrefois ministre et directrice de campagne d’Alpha Condé compte bien s’imposer. Rencontre.
Vous êtes juriste et économiste de formation, comment embrasse-t-on la carrière politique ?
Mon pays connait aujourd’hui des fractures profondes qui touchent toutes les catégories sociales. La gouvernance est mauvaise et les injustices sociales deviennent une menace pour la cohésion sociale et la paix. Sur le terrain depuis des années, je connais la souffrance des femmes soumises aux pires corvées. Je connais le monde de l’éducation pour avoir été enseignante. Je connais également le secteur privé et j’observe l’abandon de nos terroirs, nos valeurs culturelles dans un pays où les familles vivent dans des situations précaires, où notre jeunesse, frappée par un chômage massif, fait la Une de tous les médias du monde. Pour ma part, je me suis investie pour l’éducation, pour la préservation de la paix, à travers le groupe national de contact pour la paix en Guinée. Je me suis impliquée à travers la case de veille pour l’apaisement, et l’organisation des élections dans de bonnes conditions. Je suis proche des femmes. Ainsi je préside depuis plus de dix ans la plus grande coalition de femmes. Je connais les difficultés de nos populations. Quand vous avez la possibilité de vous engager en tant que citoyen pour apporter une réponse à ces problèmes, vous le faites. C’est le sens de ma candidature aux prochaines présidentielles. Je veux changer l’image de ce pays, et donner un peu plus d’espoir aux Guinéens.
Pensez-vous avoir une chance face à Alpha Condé qui a essayé de changer la constitution pour pouvoir se présenter de nouveau ?
Absolument, je ne me suis pas lancée en politique de façon légère. J’ai beaucoup réfléchi. Les Guinéens me connaissent, et sont sensibles à mon engagement pour mon pays, pour la paix, et la nation. Ils savent mes positions sur les grandes questions qui interpellent notre pays. Je suis convaincue que je suis l’alternative pour changer la donne aujourd’hui en Guinée. Je peux battre le Président Alpha Condé dont le bilan est une déception pour les Guinéens. Je vais gagner ces élections.
Vous aviez mis en place en 2013 la case de Veille et aviez promis pour les prochaines élections 2000 observatrices sur le terrain. A l’heure où l’opposition s’insurge concernant le fichier électoral qui contiendrait 2 400 000 électeurs fictifs, pensez-vous que la mesure sera suffisante ?
Lorsqu’une population a décidé de prendre son destin en main, de changer le cours de son histoire, et c’est aujourd’hui le cas en Guinée, aucun dispositif ne peut l’arrêter. Les Guinéens sont déterminés à tourner la page Alpha Condé. Quant au fichier, on va continuer à l’observer, à demander à ce que les procédures soient respectés. Ce que nous avons obtenu aujourd’hui nous l’avons obtenu à force de bataille et d’interpellation et cela va continuer. Les Guinéens connaissent mon parcours, ma moralité et ma rigueur. Ils savent que quand je m’engage, je vais jusqu’au bout. Je suis connue des jeunes, des femmes, des acteurs politiques, des personnalités religieuses et administratives. Aujourd’hui il faut tourner cette page qui n’a fait que diviser et appauvrir les Guinéens et ternir l’image du pays. J’ai la capacité de faire que ce pays connaisse un début d’espoir.
N’avez-vous pas peur que des affrontements aient lieu de nouveau comme c’était récemment le cas pour les législatives, le Front national pour la défense de la constitution composé de membres de partis, syndicats et de la société civile refusant la révision constitutionnelle ?
Dans mes engagements, je n’ai pas opté pour la rédaction d’un projet de société qui pour moi est souvent très théorique. J’ai un programme de gouvernance basé sur des engagements. Un de mes engagements est de rétablir la constitution de 2010, et surtout de limiter mon mandat, comme cette constitution, l’exige à 5 ans. Dès mon arrivée, c’est à chacun que je vais m’ouvrir et je pense que cela va permettre d’apaiser la Guinée. Je comprends l’engagement du FNDC qui est noble. J’aurais été à son côté si je n’avais déjà été membre du groupe national de contact. Il faut en finir avec les violences, les pertes en vies humaines. Je propose un débat sur la constitution dans la sérénité. Dans ce contexte, je pense qu’il peut y avoir une véritable mobilisation, un sursaut national pour porter ma candidature à la magistrature suprême mais également pour surveiller le vote car je dis et j’en suis convaincue que si une population se mobilise pour changer son destin, rien ne peut l’arrêter, ni les fraudes, ni un fichier gonflé ni le bourrage d’urnes. J’y crois. La case de veille va fonctionner, et être rapidement sur le terrain, comme d’autres structures pour apaiser. Cette candidature du président de la république pour un troisième mandat n’est pas souhaitée par l’ensemble des Guinéens. Moi-même qui a été en 2010 sa directrice de campagne, j’aurais voulu qu’après avoir été un grand opposant, il soit un grand président et être un grand président c’est aussi sortir par la grande porte dans le respect des institutions et des principes qui gouvernent la république.
Pensez-vous que le peuple soit prêt à mettre à sa tête une femme ?
J’ai toujours dit que la question du genre et des femmes avec l’accessibilité aux postes de prise de décisions est lié à la notion de compétence et de rigueur. Les Guinéens connaissent mes compétences, je suis crédible dans mon pays. Pas seulement comme femme. Vous avez aujourd’hui des cadres autour de moi, des jeunes qui sont mobilisés. A un certain moment on dépasse la notion de femmes, on ne voit que la rigueur, la détermination, les compétences et l’engagement et c’est ce qui se passe pour ma candidature. Il y a autour d’elle un véritable consensus. Je souhaite simplement que cela se transforme dans les urnes et les Guinéens ne le regretteront pas.
Vous avez dit : « lorsque dans une localité, des femmes se mettent ensemble, qu’elles s’entendent et qu’elles parlent d’une même voix, et au-delà de leurs appartenances politiques, ethniques ou confessionnelles, elles sont capables d’entrainer toute la localité.» Comptez-vous beaucoup sur les femmes pour vous amener à la tête de l’état ?
Vous savez l’exemplarité compte beaucoup quand on se lance dans une bataille pareille. Je suis à la tête de la plus grande plateforme de femmes en Guinée, la coalition des femmes et filles de Guinée pour le dialogue et la consolidation de la paix et le développement. Elle réunit les femmes au-delà de l’appartenance éthique, politique, confessionnelle et sociale et a beaucoup œuvré pour la préservation de la paix dans notre pays. Cette structure montre à l’heure où l’ethnie est exagérement utilisée par les politiques en Guinée qu’on peut ne pas être dans les mêmes partis, ne pas être du même niveau social ou de la même religion et se donner la main pour construire la nation. Les Guinéens ont besoin de quelqu’un qui au-delà des mots rassemble. Moi je viens avec le bilan de quelqu’un qui a pu rassembler 1079 organisations de femmes dans les 33 préfectures de la république pendant plus de 10 ans sans aucun problème. D’ailleurs si je suis élue je compte mettre en place un gouvernement d’intégration nationale resserré où prévaudra la compétence. Je me donnerai l’obligation de choisir les meilleurs partout pour construire la Guinée dont nous rêvons. Je ne compte pas que sur les femmes mais aussi sur les jeunes, les cadres, sur les autorités religieuses, les personnalités politiques.
En quoi votre candidature fait-elle la différence ?
Les candidats se présentent habituellement sans bilan auprès des populations. Pour moi, le bilan ce n’est pas d’avoir été ministre ou Premier ministre. Le bilan avec lequel on vient est un bilan d’activité auprès des populations. Pour ma part, j’ai donné dix ans aux jeunes, pendant lesquels j’ai enseigné gratuitement en temps que cheffe d’entreprise dans les universités. A l’époque il était difficile de recruter des enseignants dans le supérieur. Moi, avec mon expérience à l’université de Montpellier, je me suis mise à la disposition des universités guinéennes pour partager mon savoir. J’ai également un bilan auprès des femmes. Je les accompagne depuis plusieurs années. J’ai formé, renforcé les capacités de milliers de jeunes filles en leadership, en recherche sur internet, en formation et gestion.
Par mes propres moyens, j’ai mis en place un fond d’appui à la valorisation du travail des femmes et des filles défavorisées en donnant en garantie mes économies auprès des banques pour que les femmes qui vendent des piments, du charbon ou font le petit commerce puissent accéder au prêt des banques. Ce projet je l’ai porté sur dix ans, c’est un exemple en Guinée. J’ai également un bilan dans la préservation de la paix, via la case de veille. C’est la première expérience en Guinée qui implique les femmes et les filles dans l’observation électorale fondé sur le mécanisme d’alerte. Elle nous a permis de désamorcer des milliers de conflits avant pendant et après les élections. J’ai aussi un bilan auprès des populations, dans le cadre du rapprochement entre les jeunes et les anciennes générations par la mise en place des clubs inter-générationels dans les universités et les lycées. Ma candidature doit être prise très au sérieux. Quand vous avez un tel bilan et que vous vous engagez comme je l’ai fait, il n’est pas étonnant que le jour de mon investiture, le palais ait été plein à craquer d’une population à laquelle je n’ai donné ni argent ni de pagne mais est venue par conviction. Aujourd’hui le pouvoir met tout en œuvre pour acheter les populations. Je n’ai pas ces moyens là car j’ai toujours gagné ma vie avec ma sueur. Ces élections, je les remporterai au nom de la vérité, du patriotisme, mais aussi par ma capacité à rassembler les Guinéens.
Dans votre gouvernement devrait-il y avoir la parité ?
Je me suis battu pour la parité, j’ai mené un combat à la tête du réseau des femmes ministres et parlementaires auprès du parlement avec d’autres femmes et groupement pour que la parité soit inscrite dans nos lois. Evidémment que je vais l’appliquer, ceci en tenant compte des compétences au-delà de mon parti. J’irai les chercher au bénéfice de mon pays. Parité et compétences ne sont pas antinomiques chez moi.
Imaginez-vous prendre une femme premier ministre comme c’est le cas au Gabon ?
Permettez que je prenne le Joker pour cette question. Pour le moment je suis en campagne. Ce qui est sûr, c’est que les Guinéens auront un gouvernement dès mon investiture car je connais ce pays. Il y a de très bons cadres, je sais déjà qui je vais mettre à quel ministère pour obtenir des résultats. Ce ne sera pas un gouvernement de 24 personnes parce qu’on a besoin de réduire le train de vie de l’état. Ce sera un gouvernement reserré composé de personnes compétentes qui ne sont pas là pour travailler pour eux-mêmes mais pour leur pays. Tous devront mettre en œuvre mes engagements.
Pensez-vous faire davantage appel à la société civile qu’à des politiques ?
La société civile est pour moi une richesse. Nos gouvernements la voient trop souvent comme leur ennemi. J’ai fait de nombreux plaidoyers pour que le gouvernement comprenne qu’elle est un partenaire. C’est vrai qu’elle alerte mais elle alerte sur ce qui ne va pas. Pourquoi ne pas en faire une partenaire de terrain qui va produire des rapports alternatifs sur l’exécution des politiques et des programmes et le comportement économique de l’état. C’est ce que j’inscris dans mon programme. Elle sera naturellement présente dans mon gouvernement mais sera également partenaire à part entière pour que la gouvernance soit améliorée.
Quelle sera la première mesure que vous allez prendre ?
Comme je l’ai indiqué dans mon programme le smic va être valorisé dès mon entrée en fonction. Les retraites seront bonifiées, la bourse des étudiants envoyés à l’étranger revalorisée. Il n’est pas acceptable que depuis 35 ans ces derniers reçoivent 50 dollars par mois. D’autre part, je déclarerai mes biens et cela deviendra également effectif pour mon gouvernement. Il faut que chacun sache ce que l’on a en entrant au gouvernement et ce que l’on a amassé en sortant. Je m’engage à revenir à la constitution de 2010, mais cela n’empêche pas qu’on la modifie sur les points qui ne semblent plus à jour. Mais les intangibilités doivent rester les intangibilités. Un débat sur la modification constitutionnelle qui divise les Guinéens et cause des morts est nécessaire et utile. Mais il faut le faire dans la serenité. Quand j’ai été invitée aux consultations organisées par le Premier ministre, je suis intervenue pour dire que si une constitution peut être modifiée, il y a des principes à respecter. Il n’y a aucune nécessité à le faire dans l’urgence.
Chef d’entreprise, vous êtes surtout connue comme présidente du Réseau des femmes Africaines, ministres et parlementaires de Guinée (REFAMP) et présidente de la Coalition des femmes et filles de Guinée pour le dialogue et la construction de la paix et le développement (COFFIG). Vous avez aussi été ministre, que vous a apporté cette fonction au sein du gouvernement ?
La fonction de ministre m’a permis de poser de nombreux actes. Je venais du privé et quand on vient du privé, on recherche l’efficacité. J’ai pu changer beaucoup de choses au sein du ministère. Ce que j’ai appris au sommet de l’état, c’est que ce pays est très riche et peut rendre ses populations un peu moins pauvres. Si la richesse était mieux répartie, si le budget national était sécurisé, si la pays était mieux géré, les Guinéens n’auraient pas à envier leurs voisins. J’en ai la conviction. Pour moi le plus beau mot de la langue française est le mot partage. On ne peut pas être un pays aussi riche que la Guinée et battre le pavé tous les jours avec un smic à 440 000 francs guinéens. C’est injuste et ce sont ces injustices qui font que notre pays n’est pas en paix. En Guinée vous ne savez jamais dans quel quartier ou dans quelle ville cela peut éclater. On a vécu au rythme des manifestations, nous devons mettre bas la terre et vivre avec moins de politique. Le parti de l’action citoyenne par le travail que j’ai l’honneur de présider aujourd’hui met en place des équipes citoyennes, dans les partis, dans les communes. Nous pensons que le militantisme est révolu et nous a fait beaucoup de mal. Il a développé la haine et nous a divisés. Aujourd’hui il faut évoluer vers un parti de citoyen. Je ne veux pas que quelqu’un meure pour me soutenir, j’ai envie que les Guinéens se tendent la main c’est ce dont nous avons besoin. Ce parti ne met en place ni les comités de base ni les sections qu’on a coutume de voir ailleurs mais des équipes citoyennes dans les quartiers pour que une fraternité prenne le dessus sur le tout politique. Il faut faire moins de politique et plus de développement et cela je sais faire.
Quelle est l’action que vous avez entreprise dans votre carrière en temps que ministre, juriste ou chef d’entreprise dont vous êtes la plus fière ?
Il y en a une qui me tient particulièrement à cœur, c’est mon combat contre les violences basées sur le genre en particulier contre le viol des petites filles. C’est un combat pour lequel j’ai fait du porte-à-porte, des enquêtes. J’ai découvert des choses horribles. C’est d’ailleurs pour cela que dans mon programme je crée une allocation de sécurité familiale et éducative qui sera allouée à 250 000 familles. Elle devrait permettre à ces pauvres femmes qui sortent très tôt de leur maison pour aller faire les marchés toute la journée et ne rentrer que le soir de rester un peu à la maison à s’occuper des enfants et à assurer leur sécurité. Car quand une petite fille est violée, c’est toujours quand sa mère est absente. L’éducation des enfants bat de l’aile parce que ces mamans ne sont pas là. Elles n’ont pas de métier et sont obligées de faire du petit commerce. C’est important pour la femme que je suis d’inclure cet élément dans mon programme de façon concrète.
Parlez-nous de votre programme.
Il est bâti sur 5 pilliers, déclinés en engagement. Le premier est mon engagement pour une inclusion sociale, économique et financière pour lutter contre les injustices que subissent l’ensemble des Guinéens. Je compte mettre en place une caisse nationale pour l’égalité des chances, avec des fonds destinés aux jeunes, notamment les jeunes entrepreneurs, et aux femmes. Cette caisse sera financée par le budget de l’état. Je m’engage à réduire le train de vie de l’état, mettre fin au détournement de biens publics. Nous allons faire en sorte qu’il y ait un équilibre entre les actions vers les populations et les régions et une réforme de l’éducation. Le second : le respect absolu des textes de la loi. Le troisième : un programme de réforme de l’éducation. Dès 2021 nous aurons les états généraux de l’éducation. Le quatrième :le développement équilibré de nos régions. Et enfin le dernier : la construction d’une relation apaisée avec les pays voisins et la paix dans notre pays.
Quelles sont les qualités nécessaires pour un être un bon chef d’état ?
Il y en a 4 principales parmi lesquelles :
Vous avez été touchée par le coronavirus et avez milité pour le confinement pendant 15 jours, que pensez-vous de l’action du gouvernement pour limiter la pandémie et la mesure prise par Alpha Condé de laisser les mosquées ouvertes pendant la Tabaski et de permettre aux fidèles de prier tant qu’ils respectent les mesures barrière ?
J’ai été la première personnalité à déclarer publiquement avoir attrapé le coronavirus dans mon pays, à moment où on en parlait pas. Ceci a permis de sauver des milliers de personnes et encore aujourd’hui, quand je sors dans la rue, les gens me remercient pour cela. Quand cette maladie est apparue en Guinée, les gens se cachaient. Au début, on ne l’a pas bien géré. Nos systèmes sanitaires n’étaient pas préparés et nous en avons beaucoup souffert, car nos infrastructures de santé sont rudimentaires. Mais au fil des mois et à cause du plaidoyer que j’ai porté dès le début, les choses ont évolué. Aujourd’hui il y a une certaine maitrise même si les populations sont encore très indisciplinées. On interdit les rassemblements mais il était important que le gouvernement en premier respecte ce principe. Depuis, le dispositif sanitaire s’est beaucoup amélioré. Quant à l’ouverture des mosquées, j’ai plaidé pour dans la mesure où les marchées n’étaient pas fermés. Il est plus facile de maintenir la distanciation sociale dans les lieux de culte qui sont aérés, ont de grandes portes que sur les marchés. Je suis très croyante et je pense qu’on est plus discipliné dans une mosquée ou une église que dans un marché.
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