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Lors de son premier album solo « Pili pili sur un croissant au beurre », Gaël Faye en avait déjà séduit plus d’un grâce à un hip-hop de grande qualité, riche en poésie et en musicalité. Avec sa nouvelle création « Rythmes et Botanique », présentée les 25 et 26 mars au Théâtre d’Ivry-Antoine Vitez et hier au New Morning, le rappeur-auteur franco-rwandais place la barre indéniablement plus haut. Ses textes ont une force de frappe poétique encore plus importante. La composition musicale, conçue avec Guillaume Poncelet, prouve une fois de plus la force de créativité du duo. Mais ce concert est également une révélation de l’artiste sur scène, grâce à sa collaboration avec Ken Higelin. Interview avec ce jeune artiste plus que prometteur.
« Rythmes et Botanique » est ta seconde création solo. Qu’est-ce qui la différencie du précédent album « Pili Pili sur un croissant au beurre » ?
« Rythmes et Botanique » aborde des sujets moins personnels. « Pili pili sur un croissant au beurre » était une succession de chroniques autobiographiques dans lesquelles j’abordais des thèmes comme l’appartenance à un pays, à une ville, à une identité, à ce à quoi je tiens, comme la famille, les parents, mes enfants et ma femme. Il était plus évident, car il évoquait des choses qui ont été importantes pour moi. « Rythmes et Botanique » parle beaucoup plus de mon ressenti par rapport au monde qui nous entoure. On y trouve un titre sur la montée des fascismes, religieux ou politiques, comme « Irruption », ou le morceau « Solstice » qui aborde la question du basculement sous forme très poétique. Un autre morceau s’appelle « Dinosaure » qui se pose la question « Sommes-nous les nouveaux dinosaures ? » et qui évoque la question de l’écologie. Je pense que dans ce nouvel album à venir, il y a un traitement de l’écriture plus important que sur le précédent. Un thème également important que j’ai voulu traiter est l’aspect inextricable de l’univers dans lequel on vit. Aujourd’hui, on vit dans un monde où tout est lié et il est difficile en tant qu’individu de ne pas être à la fois la victime et le bourreau.
Le concept musical a fait l’objet d’une recherche particulière, n’est-ce pas ?
Tous les morceaux ont été écrits avec Guillaume Poncelet, un artiste avec qui je travaille depuis plusieurs années. On a souhaité faire un album autour du piano droit, mais en l’utilisant également comme objet, en enregistrant notamment le grincement du bois, ou le son des marteaux qui tapent. C’est le côté chaleureux des compositions. Le rythme provient des machines, de la musique électronique apportée par la MPC et les samples, soit un aspect un peu plus froid. On a également ajouté des bruits qui proviennent de la nature.
L’album n’est pas sorti physiquement. Pourquoi commencer par des scènes ?
Un album fixe les choses, alors qu’un concert est vivant. Si tu commences trop tôt par l’album, tu peux avoir des regrets, alors que des concerts te permettent d’expérimenter des choses et d’améliorer certains éléments. Cela permet de se dire que lorsqu’on sera en studio, on aura réellement vécu les morceaux. Tu ne vis pas un morceau en studio, mais quand tu rencontres les publics. De plus, aujourd’hui les artistes vivent essentiellement grâce à la scène.
D’ailleurs, la mise en scène a été particulièrement travaillée.
Pour le graphisme sur scène, j’ai collaboré avec les sœurs Chevalme qui ont fait de la gravure sur bois, et ont travaillé avec de la poudre végétale. Le metteur en scène, Ken Higelin, le frère de Arthur H a également apporté son regard extérieur sur le concert et m’a orienté. Souvent, le hip-hop est un art spontané. En tant que rappeur, on a peut-être le travers d’accepter peu l’idée qu’on peut faire un vrai spectacle. Pourtant, on a une puissance de textes et c’est dommage de ne pas les mettre suffisamment en valeur sur scène. C’est ce que j’ai tenté de faire au Théâtre d’Ivry. Cela permet d’amener le rap vers d’autres publics et de faire passer son message différemment. C’est l’idée de faire un pas vers les autres. Les rappeurs doivent se considérer comme des artistes et peuvent se débarrasser de certains codes.
Quand on te considère comme un slameur plus que comme un rappeur, qu’en penses-tu ?
Quand on me dit que je suis un slameur, ça me dérange. Pour moi, cela ne veut rien dire. Il est impossible de définir ce qu’est un slameur. J’ai plutôt l’impression que la distinction faite entre un rappeur et un slameur est un effet médiatique pour montrer qu’il y a d’un côté les méchants et d’un autre les gentils. Aujourd’hui, on dit qu’Oxmo est devenu un slameur, alors que c’est un rappeur, comme d’autres d’ailleurs. C’est une espèce de dédain par rapport au rap. Il y a eu aussi une complaisance de certains artistes qui considèrent avoir un autre flow et se définissent comme slameur. Moi, je viens du rap, de la scène hip hop, mais je me définis comme un auteur avant tout. Tous les rappeurs sont des auteurs en réalité.
L’Afrique est une de tes sources d’inspiration. Tu y as d’ailleurs écrit tes derniers textes. C’est un lien auquel tu tiens ?
Quand on me demande si mon lien à l’Afrique est important, c’est comme si je te demandais si ta féminité est importante en tant que femme. L’Afrique c’est moi autant qu’être parisien, français ou européen. C’est là tout le temps. D’ailleurs, je vis à Kigali depuis quelques mois. Concernant mes textes, ces dernières années je les ai beaucoup écrits dans une ambiance urbaine. « Rythmes et Botanique », je l’ai écrit au Rwanda et à l’Est du Congo, dans une ambiance naturelle. C’est particulier d’écrire dans des paysages idylliques. On peut dire que c’est un hip-hop végétal.
As-tu un message à faire passer aux femmes africaines et à tes lectrices d’Amina ?
Je n’ai pas de message à faire passer, mais un ressenti à transmettre, ayant passé de nombreux mois au Rwanda, un pays qui a connu le génocide. Je vois que la société rwandaise s’est reconstruite surtout grâce aux femmes. Le parlement est constitué essentiellement de femmes. On se rend compte de leur présence à tous les niveaux de la société, et dans l’entrepreneuriat également. On dit que la femme est l’avenir de l’homme. Elle est également l’avenir de l’Afrique. Les hommes ont baigné dans les massacres au Rwanda, puis sont allés en prison. Il y a eu de nombreux orphelins et les femmes ont tenu un rôle important. Je pense d’ailleurs à ma tante qui a élevé des dizaines d’orphelins seuls. Ces femmes sont des héros du quotidien. D’ailleurs, pour célébrer la force des femmes, l’année dernière, j’ai organisé le concert « Les femmes fantastiques », grâce au collectif Mix ta Race.
Enfin, quand est prévue la sortie physique de l’album Rythmes et Botanique ?
Nous n’avons pas de date exacte fixée pour le moment, mais il est prévu de le sortir entre décembre 2016 et février 2017.
En attendant la sortie de son prochain album, nous vous invitons à découvrir “Petit Pays”, extrait de “Pili Pili sur un croissant au beurre”.
Par Céline Bernath
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