Dans le soucis de répondre à la demande d’une clientèle de plus en plus diversifiée, les grandes enseignes du textiles ont entrepris de proposer des collections qui répondent aux us et coutumes des différentes communautés vivant en Occident. Ainsi, depuis la fin de l’année 2015, les campagnes publicitaires témoignent de cette initiative. Une décision qui ne ravit visiblement pas tout le monde.
En septembre 2015, H&M dévoile sa nouvelle campagne publicitaire pour sa collection automne-hiver. C’est immédiatement le buzz sur les réseaux sociaux. Et pour cause! Cette campagne a la particularité de mettre en scène, parmi d’autres, un mannequin voilé, annonçant ainsi une collection comprenant des pièces à même de satisfaire les clientes de confession musulmane, arborant le voile islamique. La jeune femme récolte près de 4000 mentions “J’aime” sur Facebook. La collection met aussi à l’honneur les sikhs, un peuple indien dont les hommes se couvrent également la tête. Aujourd’hui, d’autres enseignes suivent l’exemple de la marque suédoise. Uniqlo et Marks&Spencer proposent depuis peu des hijabs ou des maillots de bain dit “burkini” couvrant l’intégralité du corps, excepté le visage et les mains. Même les maisons de haute couture s’y mettent. En effet, Dolce&Gabbana a créé une ligne de voiles et de tuniques longues destinées uniquement aux femmes musulmanes. Si le geste est apprécié par la clientèle, il est bien au contraire décrié par les personnalités politiques ou publiques.
Ainsi, le 30 mars dernier, la ministre française des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol a eu la critique dure en traitant “d’irresponsables” ces marques “qui d’un certain point de vue font la promotion de cet enfermement du corps des femmes”. Elle s’exprimait en ces termes sur la radio RMC : ” Bien sûr qu’il y a des femmes qui choisissent, il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage. (…) Je crois que ces femmes sont pour beaucoup d’entre elles des militantes de l’islam politique”. Si la ministre s’est depuis excusées pour une “faute de langage” quand à l’emploi du mot “nègre”, elle maintient bel et bien le reste de ses propos. Dans un premier temps, Laurence Rossignol est fustigée sur les réseaux sociaux, avant d’accumuler les soutiens.
Une opinion partagée par Pierre Bergé, co-fondateur de la maison Yves Saint Laurent et président de la Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent. Reçu sur Europe 1 à la même date, ce dernier s’est insurgé de “ces marques de prêt-à-porter qui se lancent dans la mode islamique”. “Les créateurs de mode n’ont rien à faire sur le terrain de la mode islamique. Je suis scandalisé. Moi qui a été près de quarante ans aux côtés de Yves Saint Laurent, j’ai toujours cru qu’un créateur de mode était là pour embellir les femmes, pour leur donner la liberté, pas pour être le complice de cette dictature qui impose cette chose abominable qui fait qu’on cache les femmes, qu’on leur fait vivre une vie dissimulée” s’explique-t-il sur les ondes avant de rassurer les auditeurs “Je vis la plupart du temps au Maroc, je ne suis pas islamophobe, vraiment pas.” Une explication qui renvoie forcément au parcours de la maison Yves Saint Laurent. A la fin des années 1960, le créateur puisait dans les inspirations orientales pour une de ses collections Rive Gauche.
La mode est un art et l’art provoque la discussion. Face au climat de tensions régnant aujourd’hui en Occident suite aux attentats survenus à Paris et à Bruxelles, il est de bon ton de constater que le débat sur les habitudes vestimentaires de la communauté musulmane est pour le moins animé.
Par Auzouhat Gnaoré