On ne peut pas rester toujours à la même place. Au sens propre comme au figuré, Fati Niang cultive le déplacement. Elle est une femme en mouvement. Quand elle ouvre, en décembre 2013, Black Spoon (traduction la « cuillère noire »), de faire de la nourriture africaine et ambulante laisse les banquiers sceptiques.
Pourtant, Fati n’a rien d’une débutante. Elle sort de dix ans d’expérience dans un cabinet d’architecture, où elle a fini par la gestion des grands comptes. Mais elle veut voler de ses propres ailes. « J’ai investi 10 000 euros auxquels se sont ajoutés les 5 000 euros de mon associé. C’était insuffisant », raconte-t-elle. En y rajoutant une aide d’Etat (16 000 euros) et un crédit-bail pour le véhicule, le concept prend finalement forme. Et ça fonctionne d’emblée. Cent couverts le premier soir et six mois plus tard, les gros contrats qui s’enchaînent : Foire de Paris, Rock en Seine, semaine africaine à Sciences-po… Une idée toute simple, en somme un « camion à pizza », mais version afro, sur du produit frais et de qualité.
Paris Dakar, même recette.
En 2016, à l’heure des premiers bilans, la jeune femme n’est plus une inconnue. Son application en ligne lui permet de livrer 15 000 clients. De grosses entreprises comme Canal + ou Nicolas Feuillate (champagne), et même l’Unesco font appel à elle. En juin 2014, elle a reçu le Prix de l’Entrepreneur africain de France. C’était en robe de soirée, hôtel Marriott, sur les Champs-Elisées.Mais elle n’entend pas s’arrêter là. « On s’aperçoit vite que le food truck a ses limites. Il fonctionne essentiellement pour l’événementiel. Dans la rue, on reste tributaire du temps. » Elle pense donc à une enseigne et des restaurants en dur. Pignon sur rue. « Je veux vraiment mettre la cuisine africaine à un haut niveau. Grâce à la franchise, on peut ouvrir des enseignes à Paris, ensuite Dakar, Abidjan, Casablanca… » Bref, l’idée est de faire de Black Spoon la première marque franchisée de restaurant africain.
L’Afrique. Depuis un moment, c’est de ce côté-là qu’elle tourne ses feux. Plus précisément en direction de Dakar. Début octobre, elle participait à des journées portes ouvertes, initiées par l’ambassade de France et l’équipe de Campus France Sénégal. A leurs yeux, elle fait figure de modèle. Non seulement Fati est rentrée au pays, mais le concept a généré 13 emplois à temps plein et 9 apprentis employés. Installés dans les locaux d’Auchan Mermoz, Fati Niang et Abass Dièye sont ouverts 7 jours sur 7. Et dans les mois qui viennent, un véhicule devrait également sillonner la capitale. Même idée, même planète, le camion avance.
Roger Calmé
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