C’est une victoire pour l’ONG WAVES en ce 30 mars 2020. Un communiqué ministériel vient d’être publié par le gouvernement de Julius Maada Bio. Celui-ci annule l’interdiction faite aux jeunes filles enceintes de poursuivre leur scolarité. Une grande nouvelle en pleine période d’épidémie du coronavirus.
Les grossesses touchant les adolescentes sont nombreuses
Les très jeunes grossesses sont en effet communes en Sierra Leone. Pays où, selon l’Unicef, 40% des jeunes filles sont mariées avant leurs 18 ans. En pleine crise d’Ebola en 2014 et 2015, de nombreuses filles enceintes se sont retrouvées orphelines ou isolées de leur famille. L’ONU estime leur nombre à 14 000. Sous la présidence d’Ernest Bai Koroma (2007-2018), le gouvernement avait alors interdit aux jeunes filles enceintes l’accès à l’éducation et aux examens.
Les jeunes filles devaient se résoudre à étudier directement dans des centres de formations car subitement renvoyées de l’école : « Je me suis inscrite à ce centre de formation quand je suis tombée enceinte et j’étudie la restauration. Dans mon ancienne école, j’ai dû dire à mon professeur que j’étais enceinte car il m’a surprise en train de dormir sur la table. Après cela, j’ai été envoyée dans le bureau du proviseur qui m’a demandé de ne jamais revenir » témoigne Emma, 20 ans à la BBC en 2017.
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Le président affirme vouloir prendre une « nouvelle direction »
L’exclusion valait pour l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Selon le gouvernement, leur présence aurait exercé une mauvaise influence sur les autres camarades. Idée avec laquelle Hannah Yambasu est en désaccord complet. Directrice de WAVES (Femmes contre la violence et l’exploitation dans la société) en Sierra Leone, elle s’est battue pendant cinq ans pour permettre à ces jeunes filles enceinte de reprendre l’école. Après avoir essayé de convaincre les autorités du pays, elle a directement déposé un recours auprès de la Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO). La Cour a statué que l’interdiction devait être annulée le 12 décembre 2019. Avec la publication de ce communiqué ministériel, le président a affirmé prendre une nouvelle direction, basée sur « l’inclusion radicale » et « la sécurité globale ».
« Cette interdiction discriminatoire par nature, officialisée il y a presque cinq ans, a déjà privé de trop nombreuses jeunes femmes de leur droit à l’éducation et du choix de l’avenir qu’elles souhaitent façonner. Fort heureusement, cette mesure est désormais reléguée dans les livres d’histoire. » a déclaré Marta Colomer, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International. Amnesty International s’était en effet engagé contre cette loi dès sa signature en avril 2015.
« Nous avons gagné la bataille », mais pas la guerre
Hannah Yambasu est heureuse, certes, mais elle reste sur ses gardes car tout n’est pas réglé. « Nous avons gagné la bataille, mais, si nous voulons gagner la guerre, il y a encore du travail pour changer le regard de la société. Nous devons aussi rester vigilants quant à la mise en œuvre de ces politiques », confie t-elle au Point. En effet, le problème est surtout l’ancrage de certaines idées dans les mentalités. De plus, la crise du coronavirus fait craindre la même situation qu’avec le virus Ebola. De nombreuses jeunes filles se sont retrouvées seules et se sont alors adonnées à la prostitution pour pouvoir manger, ou ont été violées. Des milliers de jeunes filles sont tombées enceintes en quelques mois et furent exclues du système scolaire.
Une chose est sûre, en temps de crise, les droits des femmes et des jeunes filles sont extrêmement fragiles. Prenons alors Hannah Yambasu en exemple : battons-nous pour nos droits fondamentaux et surtout restons vigilantes !
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