Il y a vingt et un ans, alors qu’elle est séparée de son compagnon américain, la Sénégalaise Amy Niang découvre qu’elle est enceinte de sept semaines. Passé le choc de cette révélation, son médecin lui annonce qu’elle est anémique chronique et que sa grossesse risque d’être compliquée. Commence un parcours du combattant qu’elle a accepté de nous raconter..
À partir de ce jour, les quatre mois qui suivirent furent consacrés à des soins intensifs pour pouvoir mener cette grossesse à terme. Puis un jour, lors d’une simple visite régulière, on m’annonça que mon bébé était en détresse. En l’espace de quelques minutes, je me retrouvais aux urgences, sur la table d’opération. Effrayée et paniquée, ma tension artérielle restant élevée je voyais les médecins concentrés à sauver ma vie davantage que celle du bébé. Tout ce dont je me souviens, c’est l’horloge puis le trou noir. À mon réveil, je suis dans mon lit, seule, pas de cris ni de bébé. Je me fais une raison en me disant que de toutes les manières « à 4 mois, à quoi pouvais-je bien m’attendre, mon bébé était probablement mort- né et j’aurais également pu mourir ». Il me reste donc à être reconnaissante d’être toujours envie. Malgré cela la douleur est immense.
Le lendemain, le médecin vient m’annoncer que j’ai accouché d’un fœtus. Il me demande ensuite de ne pas trop espérer, car un fœtus de 4 mois a peu de chance de survivre. Je le remercie tout en priant pour cet enfant que je pense condamné. À ma grande surprise, environ une semaine plus tard, une infirmière vient me dire que mon bébé est encore en vie bien que dans un état critique. Ma famille, qui a vu le fœtus, n’est guère optimiste. Je décide malgré tout d’aller voir mon bébé. Même si je ne suis pas prête à voir un fœtus. Le choc émotionnel est alors trop important et je m’évanouis. Il est bien là, sans œil, sans peau, si petit. Alors je me mets à prier de toutes mes forces sans m’arrêter. Je me rappelle ma propre histoire. Moi aussi, je suis née prématurément, à une époque où il n’y avait pas tous ces progrès technologiques. Je repense à ma mère aussi, à qui les médecins avaient dit de ne pas trop espérer quant à ma survie. Je me souviens d’elle me racontant que mon père avait prié jour et nuit pour que je vive. Je retrouve alors une nouvelle détermination. Si j’ai survécu grâce aux prières à Allah, alors mon enfant, ma Najeebah le pourra également.
C’est ainsi que commence le parcours du combattant à coup de transfusions et d’injections interminables. Mon bébé se bat. Elle est déclarée morte plusieurs fois, et elle ressuscite grâce à Dieu. Puis elle est transférée de la couveuse à la crèche.
Mais survivre n’est que le début. Les médecins la diagnostiquent ensuite porteuse d’une leucoma lacie périventriculaire. Ils auraient pu parler une autre langue, ça n’aurait rien changé tellement ce mot me semble barbare ! Je ne comprends rien à ce qui sort de leur bouche ou celle des infirmières. Je décide de faire des recherches. Merci Google !
Je m’informe, j’étudie les symptômes et les pour centages de survie afin de déterminer ce que je peux faire pour mon enfant mis à part prier Dieu. Chaque jour, c’est travail, maison et hôpi tal. Najeebah grandit sous mes yeux et c’est un miracle de découvrir la formation de ses yeux, sa peau… Je garde espoir.
Un jeudi, je vais comme d’habitude à l’hôpital, mais à mon arrivée, je sens que quelque chose ne va pas. Elle n’est pas dans la couveuse. Les mé decins viennent me voir et me disent : «Madame, il faut nous donner l’autorisation de débrancher Najeebah des appareils respiratoires, elle est dans le coma, elle ne peut respirer sans aide respiratoire, cette fois-ci, c’est la fin, elle ne s’en sortira pas.»
Ils me disent alors que même si elle s’en sort, elle ne parlera pas, sera aveugle et ne pourra jamais marcher. Ils insistent, me donnent de nombreuses explications logiques, mais mon cœur de maman et ma foi musulmane n’en tendent rien. Je ne signerai pas.
Je sens que ma Najeebah, ma championne peut le faire. Elle résistera, se battra. J’alterne entre prières et chansons pour enfant. Après de longs mois, c’est terminé. Ma championne pèse 1,5 kg et est prête à rentrer à la maison.
Je suis heureuse et confiante. Mais au bout de deux jours, j’ai ma première frayeur : une crise d’épilepsie. Arrivées aux urgences, je découvre qu’ils ont oublié de me préciser que c’est courant chez elle. Jusqu’à ses 8 ans, je multiplierai les allersretours à l’hôpital pour ces crises. Après trois opérations des hanches, des genoux et des orteils, elle ne marche toujours pas. Je garde espoir. Pendant trois ans, on lui injecte du botox dans tout son corps et j’ai mal pour elle. Malgré la douleur, nous y croyons ensemble, nous prions, armées de courage et de patience.
Et puis voilà, quelques années plus tard, pendant que je fais la cuisine, je sens quelqu’un passer derrière moi. Quand je me retourne, je hurle ! C’est bien Najeebah et cette foisci, elle est de bout sur ses deux jambes. Depuis, elle ne cesse de m’étonner !
Aujourd’hui, ma fille voit bien sans lunettes, elle sait marcher sans béquilles et sans chaise roulante et parle en plus de l’anglais, le wolof et l’espagnol. Elle vient d’obtenir son bac à 18 ans et m’épate au quotidien. Je la vois monter à cheval, des choses que même moi sa mère ne trouve pas le courage de faire. À travers mon expérience avec Najeebah, je veux dire à chacun que tout est possible et qu’il ne faut jamais désespérer. Najeebah est le plus beau cadeau que la vie m’ait donné. •