Le COVID 19 bouleverse tout dans le monde, bien au-delà de l’aspect sanitaire. Le monde culturel est en train de payer le prix fort de cette pandémie avec l’annulation de quasiment tous les événements. Il en est cependant un qui à Douala, fait une belle résistance au Corona virus. Le projet ARTUELLES INTERFERENCES, qui met en scène les travaux d’une douzaine de femmes artistes, toutes d’origine camerounaise
FEMMES IMMIGREES. Que vous dire ? Il y a là douze regards de femmes qui avec avec leurs mots, leurs pinceaux, leurs caméras, leurs sensibilités, explorent le monde, l’identité, la sensualité, la famille, le genre….
Là où l’appareil photos de Consolider Kabangu capture son mâle idéal : fort, grand, ébène, comme sorti d’un roman d’Ahmadou Kourouma, Alida Ymele, elle, s’intéresse uniquement à ces femmes de l’ombre, héroïnes du quotidien reléguées aux tâches domestiques ingrates. Certaines de ses “Shadow’s women” sont tellement invisibles que le pinceau de la jeune artiste les prive de visage. Élément que vont au contraire mettre en avant les clichés de Blanche Agouémé, un peu à la “Don’t rush challenge” qui inonde depuis quelques mois les réseaux sociaux : Côté à Côte sur la même planche, une femme capturée on va dire dans sa tenue ordinaire, celle de tous les jours, et sa version très sophistiquée, apprêtée, sur son 31. Deux visions nuancées donc, de la femme immigrée, thème de prédilection de la plasticienne Alida et de la photographe Blanche.
MEMORIES. Certaines exposantes de ARTUELLES INTERFERENCES à travers leur quête identitaire, nous invitent directement dans leur histoire famililale, la mémoire de leur propre histoire. Pour Wilfried Mbida, ça se fera par le deuil, le manque de ses proches disparus. Des êtres représentés par une installation de bouteilles renfermant des rubans de tissus blanc, comme ceux que les proches du défunt attachent à leurs poignets pendant la période funéraire. Des bouteilles flottantes au-dessus d’un tam-tam, instrument utilisé dans certaines contrées pour annoncer le départ pour l’au-delà. Des peintures, portrait aus yeux masqués, de tableaux habités par des cadres vides complètent le décor et marquent l’absence et le manque de ces êtres chers à l’artiste. Laura Tolen n’hésite pas à combler ce vide. L’étudiante des Beaux-arts de Paris ressuscite ses aïeux décédés au point de faire cohabiter sur le même cliché des photos capturées à des époques différentes. Ainsi donc Tolen réussit l’exploit de réunir pour la première fois sur une même photo aïeul et arrière-petit-fils qui ne se sont jamais connus, ni vus… Moins introspective, la quête identitaire de Grâce Dorothée Jong donne lieu à des portraits, des acryliques chatoyants où empreintes digitales et séquences ADN habillent, forment ou supersposent tout ou partie du visage, un fœtus, etc.
TECHNICIENNES CONTEMPORAINES. Cette exposition affirme l’émergence au Cameroun d’une nouvelle génération d’artistes plasticiennes qui au-delà de la rhétorique, sont de vraies techniciennes. Issues pour une bonne partie de l’Ecole des Beaux-arts de Nkongsamba, elles n’hésitent pas à s’inventer une écriture propre, un style personnel, souvent en perspective avec leur discours. Tableaux difformes chez Ymele ; circulaires chez Bienvenue Fotso ; empreintes digitales chez Jong, attachée à l’identité ; empreintes végétales chez Leuna Noubimboon, très proche de la nature, qui prolongent ses tableaux par des présences végétales hors du cadre.
Comment vous dire ? Il y a tant à découvrir à chaque corner, espace dédié par artiste. Il faut visiter l’exposition, présente sur différentes plateformes digitales (Facebook, Youtube, Instagram). A chacun de se créer son fil d’ariane, pour naviguer paisiblement entre travaux, univers, techniques de ces jeunes artistes… Pour les amateurs désireux de se plonger physiquement dans ces moments, le commissariat de l’exposition organise des visites… Mais il faut se soumettre aux restrictions des règles d’hygiène et de distanciation sociales qu’impose le COVID-19. Ce qui n’enlève rien à la pertinence et surtout à l’esthétique de cette belle expo, installée dans le loft de 250m2 de la Annie Kadji Arts Gallery de Bonapriso, à Douala.
Ce que Femmes créent, ARTUELLES INTERFERENCES le subliment et même Coronavirus n’y peut rien.
Artuelles Interférences, Annie Kadji Arts Gallery (Bonapriso, Douala), du 23 Avril au 25 mai 2020, Tel : +237 674421462/699128540