Xania Monet est devenue en quelques mois l’une des nouvelles sensations des plateformes de streaming. Pourtant cette chanteuse de R’n’B n’existe pas vraiment, puisqu’elle a été générée par l’IA. Malgré cela, derrière cette voix et ce visage, on trouve une autrice bien réelle : la poétesse et parolière américaine Telisha “Nikki” Jones, basée dans le Mississippi, qui se sert de l’intelligence artificielle pour donner corps à ses textes.
Qui se cache derrière Xania Monet ?
Telisha “Nikki” Jones commence par créer Xania Monet comme un avatar virtuel alors qu’elle apprend à utiliser les outils d’IA générative, notamment la plateforme musicale Suno. Son idée : faire de Xania une extension d’elle-même, un alter ego capable de chanter ses poèmes et de porter ses histoires personnelles dans un univers R’n’B contemporain.
Nikki Jones écrit toutes les paroles, façonne l’univers narratif et émotionnel des chansons, puis utilise l’IA pour générer la voix, la composition et l’image de la chanteuse virtuelle. Elle insiste sur le fait que l’art reste profondément humain : l’IA intervient comme instrument de studio, pas comme remplaçant de l’autrice, ce qui nourrit un débat brûlant sur la créativité et la propriété intellectuelle à l’ère des artistes artificiels.
Comment fonctionne cette “artiste IA”?
Techniquement, Xania Monet est le résultat de plusieurs briques d’IA qui travaillent ensemble : synthèse vocale pour créer une voix chantée cohérente, algorithmes de composition pour générer mélodies, harmonies et arrangements, et outils d’images génératives pour produire pochettes, visuels promotionnels et présence sur les réseaux. L’ensemble est ensuite orchestré par Nikki Jones, qui choisit les textes, les ambiances, les tempos et les registres vocaux.
Le style de Xania Monet s’inscrit dans la lignée du R’n’B émotionnel et narratif, proche de chanteuses comme Keyshia Cole ou Muni Long : voix expressive, thèmes de l’amour, de la vulnérabilité et de la résilience, mais portés par une entité qui, elle, n’a ni corps ni vécu propre. Ce décalage entre émotion authentique des textes et nature synthétique de l’interprète contribue à la fascination — et au malaise — que suscite cette création.
Un parcours éclair sur les plateformes
En quelques mois, Xania Monet publie plus de 40 titres sur les plateformes de streaming, dont le single How Was I Supposed to Know, qui explose d’abord sur TikTok avant de grimper dans les classements R’n’B. La chanson se hisse notamment dans les charts numérique R’n’B et Adult R&B Airplay, faisant de Xania l’une des premières artistes créées par IA à apparaître sur les classements Billboard.
Portée par cette visibilité, la persona virtuelle cumule plus d’un million d’auditeurs mensuels sur Spotify, des dizaines de millions d’écoutes globales et une communauté importante sur TikTok, Instagram et YouTube. Ce succès attire l’attention du label Hallwood Media, qui signe un contrat estimé à 3 millions de dollars, couvrant à la fois l’avatar Xania et l’autrice humaine qui la pilote.
Une influence qui bouscule l’industrie
Le phénomène Xania Monet cristallise les interrogations sur le futur de la musique : peut-on parler d’“artiste” quand la voix et l’image sont générées par les algorithmes, mais que l’émotion et l’écriture viennent d’une personne bien réelle ? Pour les maisons de disques, c’est un laboratoire grandeur nature : un projet capable de produire rapidement des titres, d’adapter son image et de susciter l’engagement d’un public qui, bien souvent, ne réalise pas d’emblée qu’il écoute une chanteuse virtuelle.
Son succès interroge aussi la place des artistes indépendants humains, qui peinent déjà à exister sur des plateformes saturées, alors que des projets IA peuvent tester des dizaines de morceaux en un temps record. Mais pour Nikki Jones, Xania Monet est au contraire la preuve qu’une créatrice marginalisée par les codes traditionnels de l’industrie peut, grâce à l’IA, s’inventer un corps, une voix et une scène mondiale, redéfinissant au passage ce que signifie “être” une star du streaming.