En Guinée, il a réussi à s’imposer comme une star depuis la sortie de son premier album “Gnenessouma”. Déplorant la place difficile des artistes guinéens dans l’industrie musicale, Azaya compte bien poursuivre son combat avec son nouvel album “Difangniya”, signifiant “Bien-être”. Lors de sa conférence de presse du 21 mars dernier, il a accusé le public, les médias et les producteurs de ne pas suffisamment soutenir la musique de son pays. Ainsi, il est à l’origine d’un style musical, mêlant les multiples traditions guinéennes, qu’il compte bien exporter, l’afro-mandingue.
Votre musique mêle constamment la tradition à la modernité, et les dialectes guinéens sont omniprésents. Pourquoi un tel choix ?
Moi, mon combat c’est d’exporter la musique de mon pays. Le combat de tous les artistes de tous les pays du monde c’est d’exporter la culture. Et la meilleure façon c’est de l’exporter en totalité. Les Sénégalais ont réussi à exporter leur musique en conservant leur culture et leur langue principale, le Wolof. C’est une façon d’exporter aussi les dialectes des pays. Les anglophones chantent en anglais car c’est leur langue, les français également. la meilleure façon de nous faire comprendre c’est de nous exprimer dans nos langues. La musique c’est un message que nous véhiculons.
Vous tenez à défendre la musique traditionnelle guinéenne. Quelles sont ses caractéristiques ?
La Guinée a une culture très diversifiée et une musique très riche. Il y a des rythmes très dansants dans notre pays. Mais le Guinéen n’arrive pas à exploiter ses potentialités musicales. On a, par exemple, le Yankadi ou le Toumbou sesse. Moi, j’ai décidé de positionner ma musique au milieu de ces différentes cultures.
Vous avez créé votre tendance musicale, l’afro-mandingue. Qu’est-ce ?
J’appelle aujourd’hui mon style de musique l’afro-mandingue. Je suis le seul à le faire aujourd’hui et c’est une tendance musicale que je suis en train de développer. Si les autres arrivent à suivre ce chemin, c’est une tendance musicale qui pourra s’imposer dans le monde, comme le coupé décalé par exemple. L’Afro-Mandingue réunit toutes les cultures musicales guinéennes.
Lors de votre dernière conférence de presse, vous vous plaignez de la difficile exportation de la musique guinéenne. Comment expliquez-vous ce fait ?
Il y a plusieurs raisons qui font qu’on n’arrive pas à exporter notre musique. J’accuse d’abord le public guinéen. La culture appartient à un peuple et c’est lui qui l’exploite. Le choix de la tendance musical appartient au public. Le public guinéen n’a pas encore fait un choix. Il écoute beaucoup plus de musiques étrangères que celles de son terroir. C’est ce qui fait que beaucoup d’artistes guinéens font du coupé décalé, ou transforment le mandingue en afrobeat. Le public n’accorde pas suffisamment d’importance aux différents rythmes du pays. Pour moi, adopter les rythmes d’autres pays c’est une forme de singerie musicale. Ce qui est également dommage c’est que même la diaspora guinéenne ne réclame pas la musique de son pays.
Les médias ne font également pas d’effort pour l’évolution de notre musique. Ils font plus de promotion pour les musiques étrangères. Pourtant, par exemple, en Côte d’Ivoire les médias favorisent le coupé décalé. En Guinée, on n’entend presque jamais de musique guinéenne en boîte. Un Ivoirien ici se sentira plus chez lui que nous-même. Et puis, il y a aussi les mécènes, le promoteurs et les producteurs qui font venir des artistes étrangers ici qui sont mieux traités que les artistes guinéens.
Et puis, aussi, au sein des artistes on a un manque d’organisation et nous sommes trop dispersés. En Côte d’Ivoire, un seul groupe d’artiste a créé le coupé décalé et les autres ont suivi. C’est devenu un mouvement national transformé en un mouvement international.
Selon vous, quelles sont les solutions pour rendre la musique guinéenne plus visible ?
La première chose est que le public guinéen privilégie la musique du pays et soutienne ses artistes. Je ne parle pas du soutien des autorités ou de l’Etat, mais du peuple. La démocratie c’est le pouvoir du peuple. Quand le public décidera d’imposer les musiques du pays les autorités suivront.
Et que pensez-vous des quotas qui se pratiquent dans certains pays à la radio notamment ?
Je pense que ça serait une très bonne solution. Seulement, c’est d’abord au peuple guinéen d’imposer cela aux autorités.
Votre dernier album “Difangniya” a été entièrement conçu en Guinée, contrairement au premier. Est-ce volontaire ?
Oui c’est volontaire. C’est pour montrer aux autres qu’on a toutes les potentialités pour créer un album ici en Guinée. On n’a plus besoin de voyager cela.
Que représente à vos yeux ce nouvel album ? Comment le décririez-vous en quelques phrases ?
Cet album, c’est un défi pour moi. D’habitude, en Guinée, quand un artiste fait un succès, il disparaît au bout d’un an ou deux ans. Et lorsque j’ai sorti mon dernier album, j’ai remporté tous les prix. Après cela, les Guinéens pensaient que j’allais avoir le même sort que les autres artistes. Trois mois après j’ai sorti un single hors album et d’autres qui se sont imposés. Je veux montrer aux Guinéens que les choses ont changé. Ma structure e et moi persévérons pour changer la donne.
Sinon, mon album Difangniya signifie le bien-être. C’est un album riche et varié. Et c’est la première fois en Guinée qu’un artiste sort un album audio de 16 titres et vidéo de 12 titres. Ce fut d’ailleurs un investissement important pour nous.